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Usurpation d’identité : une vie volée

Chaque année, en France, entre 2000 et 2500 personnes sont victimes d’usurpation d’identité. Certaines se retrouvent criblées de dettes et ne savent plus vers qui se tourner.

Titre d’une émission sur France 2 diffusée le 27 juin 2023


Usurper une identité consiste à utiliser les données personnelles d’un tiers sans son accord. Une fois récupérées, ces informations peuvent servir aux usurpateurs pour nuire à sa réputation, réaliser des opérations financières ou commettre des actes répréhensibles en son nom.

C’est en lisant un article dans la presse que j’ai eu l’envie de me documenter un peu plus sur cette infraction. Il concerne un jeune Nantais qui, depuis dix mois, reçoit des lettres du Trésor public pour payer des amendes de la SNCF (près de 4000 € !) relatives à des infractions qu’il dit n’avoir pas commises. Malgré les très nombreuses démarches administratives, il est aujourd’hui sans solution(s).


J’en ai découvert bien d’autres, comme cet ouvrier agricole qui, venant d’apprendre qu’il était criblé de dettes avec plus de 180 000 euros de crédits à la consommation souscrits à son insu, a fini par mettre fin à ses jours.


On a du mal à imaginer le calvaire de ces personnes qui, du jour au lendemain, se voient interdites bancaires, fichées à la Banque de France. C’est une forme de « viol moral » car l’usurpateur entre, pénètre dans la vie de sa victime et la détruit.


L’usurpation d’identité peut également avoir pour objectif de nuire à la réputation d’une personne. A titre d’exemple, on peut citer la mésaventure d’Omar Sy victime, en 2009, de l’ouverture d’un faux compte Facebook à son nom.

De fait certains de ses amis, pensant avoir à faire au vrai Omar, publient sur le mur du compte usurpateur des photos et commentaires qui relèvent de sa vie privée. L’auteur, finalement identifié à l’issue de 6 mois d’enquête, sera condamné par jugement du 24 novembre 2010 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS (www.legalis.net) à verser à sa victime la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts (500 euro pour l'atteinte à la vie privée et 1000 euros pour la violation du droit à l'image) et 1500 euros de frais d'avocat.




Que dit la loi ?

Article 226-4-1

Version en vigueur depuis le 01 août 2020

Modifié par LOI n°2020-936 du 30 juillet 2020 - art. 19 « Le fait d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu'elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.

Lorsqu'ils sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ces faits sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ».


Les éléments constitutifs de l’usurpation d’identité :

L’élément matériel de ce délit se décline en deux parties.

  • L’usurpation d’identité est le fait de s’attribuer sans droit, de manière illégitime, l’identité d’un tiers en vue de se faire passer pour lui.

  • En second lieu, est incriminé « le fait de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant d’identifier ce tiers ». Ce peut être le numéro de sécurité sociale, celui du compte bancaire, du téléphone ou encore l'adresse électronique, etc.

Par exemple, fin 2014, deux hommes avaient créé un faux site au nom de Rachida Dati qui reprenait sa photo et présentait une grande similarité avec le site officiel. Ce site permettait aux internautes de créer de faux communiqués de presse au nom de la députée, en y insérant le texte de leur choix insultants et diffamatoires. Ils ont finalement été identifiés et respectivement condamnés par le tribunal correctionnel de Paris à 500 et 3 000 euros d'amende, cette dernière sanction ayant été confirmée par arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation. (Crim. 16 nov. 2016, no 16-80.207).


Quant à l’élément moral : en vertu de l’article 121-3 du Code pénal, il s’agit d’une infraction intentionnelle. Il faudra donc établir la preuve d’une volonté consciente d’usurper l’identité d’un tiers, ou bien alors de faire usage de données de toutes natures permettant de l’identifier.

C’est par ailleurs un dol spécial, commis avec comme objectif la recherche d’un résultat.

Cependant, il n’est pas nécessaire que le résultat escompté ait été effectivement atteint pour que l’infraction soit constituée. Le comportement poursuivi doit être reconnu comme étant « en vue de », et non pas « pour effet de ».


Important : le délit d’usurpation ne peut être caractérisé lorsque l’identité du tiers a été attribuée à une personne suite à des malversations inconnues de lui. Faute d’élément intentionnel, un prévenu, originaire des Comores qui était entré sur le territoire français sous une identité qui lui avait été assignée par autrui indépendamment de sa volonté, n’a pu être reconnu comme auteur du délit d’usurpation d’identité (Crim. 17 févr. 2016, no 15-80.211).


Chacun d’entre nous peut se retrouver un jour confronté à ce type d’infraction, qu’il s’agisse du piratage de son adresse email, du vol de documents comme par exemple une fiche de paie, une pièce d’identité, une facture EDF etc.

Elle est d’autant plus fréquente qu’il est malheureusement très simple de la commettre. Quelques renseignements de base sur l’état civil (nom, prénom, date de naissance et filiation) suffisent pour se faire délivrer un extrait d’acte de naissance.

Or avec une pièce d’identité, un justificatif de domicile et de ressources, le malfaiteur peut ouvrir un compte bancaire. Les conséquences d’un tel délit peuvent-être très lourdes pour la personne qui en est victime. Il est donc primordial d’être réactif et d’agir dès qu’il est détecté.


Que doit faire la personne victime d’une usurpation d’identité ?

1/Déposer plainte : auprès de n’importe quel commissariat de police ou brigade de gendarmerie, également auprès du Procureur de la république. Conserver une copie de cette plainte afin d’être en mesure de la présenter lors des démarches auprès des organismes concernés (banques, administrations etc.).

2/ Vérifier que l’on n’est pas fiché à la Banque de France.


3/ Informer les organismes bancaires : l’usurpateur peut en effet, à votre insu, effectuer des opérations sur vos comptes bancaires, comme par exemple souscrire un emprunt.

En conclusion, la victime d’usurpation d’identité se trouve souvent confrontée à une situation ubuesque où, pour faire valoir ses droits elle doit rapporter la preuve qu’elle est bien celle qu’elle prétend être. Que, par exemple, elle ne se trouvait pas dans le train au jour et à l’heure où elle est censée avoir été contrôlée sans titre de transport.


La tâche est d’autant plus ardue qu’elle doit se débattre face aux méandres, voire à l’indifférence de l’administration ou des établissements financiers qui ne facilitent pas toujours ses démarches et peuvent manquer de réactivité.


Le parcours est souvent long et difficile et les agissements de l’usurpateur sont parfois difficiles à démontrer.


C’est donc en amont qu’il faut se montrer vigilant et prudent, en prenant les précautions suivantes, relevées sur le site : https://www.economie.gouv.fr/particuliers/protection-usurpation-identite


Comment vous protéger du vol de vos données personnelles ?

Pour protéger vos données privées de potentiels piratages, quelques règles de base sont à appliquer :

  • choisissez un mot de passe sûr en alternant les majuscules et minuscules, les chiffres, etc.

  • n'utilisez pas un mot de passe unique sur tous vos comptes, alternez-les en fonction des sites

  • ne partagez pas vos mots de passe et prenez vos précautions lors de leur utilisation sur d’autres ordinateurs que le vôtre

  • vérifiez l’authenticité d’un expéditeur avant d’envoyer des informations personnelles ou sensibles par mail

  • évitez d'inscrire votre adresse mail principale sur des sites dont vous n’êtes pas certain de la fiabilité

  • soyez attentif à vos relevés de compte bancaire

  • détruisez tout papier comportant des informations personnelles avant de le jeter.

Pour les passionnés de droit pénal, voici un site sur lequel sont répertoriées des fiches accessibles gratuitement : https://www.sciencescriminelles.fr/accueil/droit-penal-special/




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