Cette discipline, encore peu connue en France, consiste en une analyse personnalisée des préoccupations judiciaires et réactions émotionnelles d’un individu, qu’il soit victime, auteur ou simplement témoin d'un évènement traumatisant. Son but est d’identifier l'acte dans son contexte social, environnemental, comportemental et judiciaire puis de mettre en place une procédure interactive d'écoute, de conseils adaptés et de soutien thérapeutique.
Globalement, la psycho-criminologie regroupe les sciences pénales, la criminologie et la victimologie.Elle s'intéresse par conséquent à tout citoyen qui vit un évènement traumatisant ayant un rapport particulier avec la loi avant, pendant, après ou même en dehors de toute procédure judiciaire.
Du fait qu’elle s’intéresse à la fois à l’auteur et à la victime, la psychocriminologie peut être divisée en deux sous-disciplines : l’agressologie et la victimologie.
L’agressologie
S’adresse à titre de prévention aux personnes dites « à risque », après un passage à l’acte n’ayant pas encore entrainé de poursuite judiciaire ou après un jugement pénal, dans le cadre d’injonctions de soins.
Le travail du psychocriminologue, dans son acceptation la plus large, s’effectue alors auprès d'auteurs d’infractions.
Les thématiques sont plurielles et non exhaustives :
Délinquance juvénile (par exemple et en fonction des évènements actuels, violences urbaines)
Trafic et consommation de stupéfiants
Maltraitances
Violences conjugales
Agressions sexuelles
Harcèlements de toutes natures
Homicides et meurtres
Infractions économiques et financières (abus de confiance, escroquerie etc.)
De manière générale, tout ce qui touche à l'intégrité physique et/ou morale d'une personne
Il s’agit de permettre à l’auteur d’une infraction délictuelle ou criminelle de comprendre et appréhender les causes, circonstances et conséquences de son acte.
L’objectif est de l’aider à prendre conscience de cette partie de son chemin de vie l’ayant conduit à commettre l’acte répréhensible et l’aider à trouver les outils qui lui permettront de se réinsérer socialement, et de tenter ainsi d’éviter tout risque de récidive. Ce travail passe notamment par une recherche approfondie sur son histoire et sa personnalité, ses éventuels troubles psychiques, son environnement socio-culturel, ce que l’on nomme « anamnèse » en psychologie.
Le rôle de l'analyste est d’aider la personne à comprendre la portée de ses actes, à reconnaître et intégrer sa culpabilité par la prise en compte de sa ou ses victimes, tout en initiant un apprentissage des schémas comportementaux les plus adaptés pour son avenir.
La victimologie
Elle a longtemps été ignorée alors qu'il s'agit d'une discipline tout aussi importante du phénomène criminel. Au cours des années 1980, les chercheurs français ont commencé à s’intéresser également à la victime, par l'étude des conséquences de l’acte et des moyens d’y remédier. Une des avancées primordiales au niveau de la recherche a permis la création de sondages de victimisation : il s’agit d'évaluer le phénomène criminel en prenant l'information chez la victime elle-même.
Au sens strict, « la victimologie est la prise en considération des victimes de délits ou de crimes, leur statut psycho-social et leurs éventuels liens avec les agresseurs ». Mais elle conduit également à explorer d'autres pistes, par exemple, à ce qui peut prédisposer certaines personnes à devenir des victimes, comme une singularité corporelle, l'appartenance à une religion, une minorité sociale ou culturelle, etc., en opposition à la victimologie classique, qui ne considérait la victime que comme un objet de droit passif. Mais on ne doit pas la réduire à ses aspects purement psycho-traumatologiques. Pour d'autres, comme pour S. Schafer (in Victimology : The victim and his criminal) ce serait plutôt l'étude de la relation entre le criminel et la victime, ce qui devient également la tendance dans notre pays.
Le rôle du thérapeute est ici primordial : il va permettre à son patient, dans le cadre d’une approche individualisée interactive, d’évaluer son degré de souffrance, de prendre et surtout maintenir une décision de passer d’une phase passive (de victime) à une phase active (agissante) où tout redevient possible, avec notamment la mise en place d'un protocole de reprise de confiance en soi.
Le métier de psychocriminologue
Il s’agit d’un véritable débat en France, où ce titre n’est toujours pas reconnu à ce jour. Il n’existe donc aucune formation spécifique. Rappelons que cette discipline fait appel à des connaissances poussées en psychologie, sociologie mais également dans toutes les matières du droit, ceci afin d’être en mesure d’examiner l’acte dans sa globalité légale, sociétale et thérapeutique.
Ce sont donc aujourd’hui essentiellement des psychologues, inscrits ou non sur les listes de Cours d’appel, qui occupent ce terrain. Certains se spécialisent par le biais d’un diplôme universitaire (DU) de criminologie et/ou de victimologie mis en place par les universités.
S’agissant d’un apport majoritairement théorique qui – nonobstant les très hautes compétences professionnelles des intervenants - ne permet pas d’acquérir toutes les connaissances et l’expérience de terrain nécessaires à l’exercice de cette profession, se pose la question de la légitimité de son exercice dans notre pays.
D’autres universités, comme Paris VIII, proposent des diplômes de formation supérieure de type Master II. Pour ma part, après un parcours professionnel de 25 années dans différents services de la Police judiciaire à Paris, avec une expérience concomitante d’une vingtaine d’années en qualité d’expert judiciaire en investigations techniques et scientifiques, j’ai souhaité me spécialiser dans les domaines de la psycho-criminologie et me suis inscrite au Diplôme de Formation Supérieure Spécialisée des Universités en Sciences Pénales et Criminologie (Paris VIII – DFSSU Bac+5).
Puis j’ai entrepris un cursus de psychopraticienne, en alternance avec des formations complémentaires ponctuelles (profilage, violences intra-familiales, psychopathologie criminelle...), notamment avec Florent Gatherias et Emma Oliveira, tous deux psycho-criminologues rattachés à la Direction centrale de la police judiciaire à Paris et auteurs du livre « Psychologues du crime » FAYARD.
Afin de maintenir mes connaissances et découvrir de nouvelles approches, je m’inscris régulièrement à des formations, conférences, ateliers techniques diffusés en ligne par AFPRO.
En conclusion, il existe aujourd'hui en France de nombreuses structures gratuites à l’écoute des femmes victimes de violences conjugales. Mais d’autres victimes d’infractions ne savent parfois pas à qui s’adresser, ou n’osent pas franchir le pas. Et quand elles le font, le policier ou le gendarme qui reçoit la plainte, même s’il peut faire preuve de compréhension et d’empathie, n’est pas là pour assurer le soutien thérapeutique. Son rôle est de recueillir le récit des faits avec rigueur, lucidité et impartialité, afin d’établir la qualification de l’infraction pour permettre au magistrat d’intenter d’éventuelles poursuites judiciaires contre l’auteur.
Mais ensuite, la victime se retrouve le plus souvent seule, face à sa détresse et ses angoisses et notamment, hélas, lorsqu'elle se retrouve informée par simple courrier - et encore - d'un classement sans suite de sa plainte par la justice.
Il n’est pas question ici de rivaliser avec des professionnels du droit ou de la médecine mentale. Mais dans une société en constante évolution, sans cesse confrontée à de nouveaux dangers, de nouvelles menaces, ces parcours et approches pluridisciplinaires permettent au psycho-criminologue d’apporter sa modeste pierre à l’édifice en proposant écoute active et soutien à des personnes en souffrance, en perte de repères car encore trop souvent délaissées, oubliées voire rejetées par indifférence ou simple méconnaissance.
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